Il n’est pas aisé de rapporter les contraintes d’un professionnel du droit comme un avocat, dans la mesure où tous les autres corps de métiers s’adressent à lui pour résoudre leurs difficultés.
L’avocat est un auxiliaire de justice à qui la loi donne tout pouvoir d’assister, de postuler, de représenter et de conseiller les citoyens tant devant les instances administratives que juridictionnelles. Il est généralement connu comme le défenseur de la veuve et de l’orphelin. Aujourd’hui l’avocat est autant le défenseur des personnes ayant commis un crime ou un délit mais aussi le conseil et stratège des dirigeants des grosses sociétés ou entreprises dans tous les domaines d’activités, allant de la simple négoce et de la prestation de service à la construction d’usines de toutes sortes, en passant par la manufacture de biens divers. L’avocat est aujourd’hui le maillon indispensable de la bonne marche des affaires.
Mais comme tout métier, la profession d’avocat connait des contraintes et pas des moindres. Nous passons sous silence, les difficultés liées à l’accès à la profession pour nous attacher à celles rencontrées dans le quotidien de l’avocat.
Les difficultés liées à l’exercice du métier d’avocat sont d’ordre structurel, c’est-à-dire liées à l’organisation de l’Ordre des Avocats et de l’appareil judiciaire mais aussi d’ordre circonstanciel c’est-à-dire liées à un procès ou aux protagonistes d’un procès.
Les difficultés d’ordre structurel
L’Ordre des avocats comme toute institution a une certaine dynamique qui génère presque automatiquement des inerties qui freinent son action. Mieux, la qualité et la vision des personnes qui composent le Conseil de l’Ordre et très spécialement la personne du Bâtonnier, à un moment donné, génèrent d’importantes inerties plus ou moins graves qui entravent l’épanouissement de la profession d’avocat et donc des avocats.
A titre d’exemple, au Togo jusqu’en 2006, l’absence totale des activités du conseil de discipline a favorisé l’éclosion de certains comportements contraires aux règles professionnelles entrainant une véritable méfiance entre les avocats eux-mêmes et donc il était plus difficile aux clients de s’en remettre à un avocat comme un fidèle le ferait à un prêtre. Mais à partir de 2008, la périodicité des modules de formation continue des avocats, la régularité des assemblées générales de l’ordre des avocats et la qualité d’homme du Bâtonnier ont permis de retrouver en tout ou partie les bonnes manières. (Nous choisissons cet exemple banal pour illustrer nos propos : les avocats étaient appelés à cirer leur chaussures, à s’assurer que leur cravate est bien ajustée, donnant ainsi une image plus rassurante de l’avocat aux justiciables).
Sur un autre plan, le Conseil de l’Ordre peut par son fonctionnement être un frein à l’éclosion de la profession. Aussi, le retard dans l’étude des dossiers d’inscription des jeunes stagiaires voire même le refus d’inscription des sociétés d’avocats qui se constituent ; la lenteur dans l’ouverture des comptes CARPA, les échecs de l’institutionnalisation de l’aide juridictionnelle, et plus globalement l‘inefficacité du Conseil de l’Ordre dans l’anticipation ou le règlement des questions liées à l’organisation de la profession sont des difficultés quasi insurmontables par les avocats individuellement.
L’appareil judiciaire dans son organisation et son fonctionnement peut être un véritable obstacle à l’activité des avocats.
En effet, et c’est ce que nous vivons présentement, l’affectation sur des bases autres que celle de la compétence et de l’expérience des magistrats entraîne un éternel recommencement du travail de construction de la jurisprudence dans les cas récurrents que traitent nos juridictions. (Par exemple, au tribunal de Lomé, les établissements ‘’Ets’’ ont-ils qualité pour agir ! La question n’est pas tranchée. Peut-on en vertu des clauses du bail obtenir l’expulsion d’un commerçant défaillant en matière de paiement des loyers devant le juge des référés ! La réponse dépend du juge. Peut-on à pied de requête ordonné la démolition ! Cela dépend de quel avocat le demande et devant quel juge. Combien de renvois sont tolérés au référé ! C’est en fonction de l’humeur du juge qui préside l’audience. A la Cour d’appel de Lomé, le sursis est-il systématique ou non en matière sociale ! C’est en fonction de l’humeur du juge qui préside l’audience et de la notoriété des avocats en présence). Or un procès c’est forcément de la recherche, du temps et de l’argent pour les avocats. A défaut de jurisprudences établies les avocats nagent dans une parfaite incertitude qui rend extrêmement difficile l’exercice de la profession.
A cela doivent s’ajouter les incertitudes de la rédaction du factum des délibérés qui sont vidées à l’audience, les délais pour obtenir une expédition, la tenue des audiences, l’inexpérience des juges, l’éternelle problème de la corruption de la magistrature pour ne citer que celles-là.
Les difficultés d’ordre circonstanciel sont celles liées à un procès.
Il est enseigné dans tous les centres de formation d’avocats que le premier adversaire de l’avocat c’est son propre client. En effet, Dieu ayant pourvu chaque homme de deux besaces, celle de devant pour les défauts des autres et celle de derrière pour ses propres défauts, le client a vite fait de vous présenter une version des faits si belle que sans retenu, l’avocat peut se retrouver devant le juge dans une situation bien embarrassante au sens propre du terme.
Le deuxième adversaire c’est celui que la politesse et la courtoisie désignent comme le ‘’respecté confrère’’ contradicteur, entre griffe, qui des fois malgré son âge et son expérience a une réputation peu orthodoxe. Autant il y en a avec qui on se tapote les épaules après la barre, autant il y en a qui vous garde rancune quand vous l’avez cloué au pilori d’une règle de procédure. Il y a aussi des confrères tellement passionnés qui vous confondent à votre client tant et si bien qu’ils vous réservent le même traitement que son client réserve à celui avec qui il a maille à partir.
Enfin, les confrères qui se sont contentés d’avoir un diplôme et pas assez de connaissance rencontrent une autre difficulté, celle liée au cas qui leur est soumis. Dans la réalité, aucun cas n’est semblable et de l’exacte qualification des faits dépend le problème juridique et par voie de conséquence la règle de droit à appliquer et donc la solution à proposer au juge.
Telles sont à notre humble avis, les grandes difficultés auxquelles doivent faire face les avocats dans l’exercice de leur profession au Togo.
Me Ferdinand AMAZOHOUN
Avocat à la Cour